Le Rapporteur Public a en effet conclu comme le demandait l’UNAF à l’annulation de ces AMM pour deux motifs essentiels :
– Les effets synergiques du sulfoxaflor avec les autres substances actives et les autres coformulants contenus dans les produits, n’ont pas été pris en compte au stade de l’évaluation de l’innocuité du produit par l’ANSES ;
– L’AMM a été accordée en l’absence d’évaluation établissant que l’utilisation de ces produits n’entraînait pas d’effets inacceptables sur les larves d’abeilles, le comportement des abeilles ou la survie et le développement de la colonie, à court et à long terme, contrairement à l’exigence de la règlementation européenne.
La décision du juge administratif devrait intervenir précisément au moment où l’Assemblée nationale va examiner la proposition de loi initiée par le Sénateur Laurent Duplomb visant à revenir sur l’interdiction de la mise sur le marché de produits mettant en œuvre des néonicotinoïdes, en créant un type d’autorisation dérogatoire qui serait délivré par décret.
Pour Christian Pons, président de l’UNAF : « L’annulation des autorisations de mise sur le marché du CLOSER et du TRANSFORM serait une reconnaissance de notre combat pour une agriculture respectueuse des pollinisateurs et un signal positif dans un contexte de régression évidente de la protection des abeilles et de l’environnement. Cette décision du juge administratif rappellerait que les règles de précaution doivent primer sur les intérêts économiques. La raison d’être de notre syndicat est d’oser s’attaquer à des multinationales dans l’intérêt des apiculteurs, des apicultrices et de la protection de l’environnement ».
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille est attendu dans les prochains jours.
L’UNAF restera vigilante face à toute tentative de contournement des réglementations de protection des abeilles et continuera de défendre au parlement et en justice l’apiculture française contre les dangers de l’agrochimie.
Rappel de l’affaire :
Résumé du combat judiciaire de l’UNAF contre Corteva Agriscience, créé en 2018, qui est l’ancienne branche agrochimique et semence de l’entreprise DowDuPont, dont le chiffre d’affaires est de 17 milliards de US$.
En novembre 2017, l’UNAF entamait une longue procédure judiciaire en déposant un recours en annulation des autorisations de mise sur le marché (AMM), rendues par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), de deux pesticides tueurs d’abeilles, le Closer et le Transform. Ces insecticides produits par la société Dow Agrosciences, entre-temps devenue Corteva Agrisciences, ont pour substance active le Sulfoxaflor, qui a un mode d’action similaire aux néonicotinoïdes.
Pour l’UNAF et APE, les AMM étaient illégales en ce qu’elles ne respectaient pas le droit européen, plus particulièrement le règlement n° 1107/2009 encadrant la mise sur le marché des pesticides. Pour évaluer la toxicité des produits, l’Anses s’était en effet contentée des seules données fournies par le fabricant sur la substance active seule. Les produits dans leurs compositions finales, c’est-à-dire l’ensemble des éléments de leur formulation, n’ont pas été évalués.
Une première victoire devant le Tribunal administratif de Nice
Après deux années de procédure contentieuse, le Tribunal administratif de Nice a donné raison à l’UNAF et APE en statuant pour le retrait définitif de ces deux AMM. Toutefois, le fondement de cette décision a été la non-application du principe de précaution. Le tribunal a estimé que le règlement européen n° 1107/2009, qui indique qu’une AMM doit être fondée « sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine, animale ou à l’environnement », a été violé. L’Anses avait effectivement autorisé ces produits alors même qu’il est prouvé que ces insecticides agissent sur le système nerveux central des insectes […]
Une seconde victoire devant la Cour administrative d’appel de Marseille
Le 17 mars 2020, Corteva Agriscience saisit la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Marseille afin d’obtenir l’annulation de la décision du Tribunal administratif de Nice. Pourtant, le gouvernement venait de confirmer, par un décret du 30 décembre 2019, l’interdiction du Sulfoxaflor et du Flupyradifurone en tant que substances actives de pesticide dont le mode d’action est comparable à celui des néonicotinoïdes.
L’arrêt rendu par la CAA fut une nouvelle victoire pour l’UNAF. La Cour a en effet considéré que « la circonstance que cette substance (ndlr le sulfoxaflor) a été approuvée par les autorités communautaires ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit prise en compte, comme l’ensemble des substances qui entrent dans la composition de ces produits, pour apprécier l’existence d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, justifiant l’application du principe de précaution. » Cette décision s’inscrivant dans la continuité de l’arrêt obtenu par l’UNAF à la CAA de Lyon concernant le produit Cheyenne.