Pratiques agricoles de séquestration du carbone : outil risqué et inefficace pour le climat
Le conseil Agriculture et pêche, réunissant tous les ministres européens de l’agriculture et de la pêche, se déroule ce lundi 13 juin. Nous rappelons notre inquiétude vis à vis du carbon farming, un mécanisme qui vise à certifier des pratiques de séquestration du carbone dans les sols européens via des financements privés.
Qu’est-ce que le carbon farming ?
Pour la Commission européenne, le “carbon farming” est un “modèle économique encourageant les pratiques sur les écosystèmes naturels qui augmentent la séquestration du carbone”. Pour le secteur agricole, la séquestration du carbone correspond aux pratiques agricoles permettant d’absorber et stocker du carbone tel que la plantation de haie ou les cultures intermédiaires. Depuis le début de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, le précédent ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, n’a eu de cesse de promouvoir le Label bas carbone, outil développé par la France pour financiariser des pratiques d’atténuation et de séquestration qui pourrait inspirer le futur Carbon Farmingeuropéen. Or, en l’état, le label bas carbone est un outil de greenwashing aux impacts délétères pour le climat et la biodiversité.
Les risques du déploiement du Carbon Farming
Le maintien du carbone dans les sols après une action de séquestration est difficile à garantir dans le temps. Les sécheresses, les catastrophes naturelles ou encore les pratiques agricoles peuvent libérer le carbone stocké, et tout déstockage conduit à la réémission du carbone dans l’atmosphère.
Une politique de compensation carbone, via le recours à des crédits carbone pour compenser des gaz à effet de serre émis ailleurs, ne répond pas à l’enjeu prioritaire de réduire les émissions de manière drastique et urgente, et risque de retarder la mise en œuvre de véritables actions climatiques pour atteindre les objectifs climatiques européens.
Une politique avec la seule entrée climat laisse de côté un enjeu essentiel : la préservation de la biodiversité, dont les fonctions des écosystèmes (filtration et rétention de l’eau, vie des sols, auxiliaires de cultures, etc.). La résilience de l’agriculture dépend de la prise en compte de la biodiversité qui doit être intégrée dans les différents outils de soutien à l’agriculture.
Le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire a clairement affiché son objectif de créer un modèle économique adossé à des financements privés permettant de rémunérer des pratiques de séquestration. Mais le recours à des financements privés est inégalitaire et rend le secteur agricole dépendant d’un système d’offre et de demande voire d’un risque de carence de financeurs.
Il est crucial que les agriculteurs et les agricultrices soient soutenus dans leur transition vers des pratiques respectueuses du climat et de la biodiversité via une politique publique solide et pérenne. Le Carbon Farming détourne l’attention des véritables enjeux de la transition agroécologique et désengage les États de cet objectif. Or, c’est justement la dernière chance pour les pays européens de réorienter les financements de la PAC vers la transition agroécologique en révisant leur PSN (Plan Stratégique National) avant l’été, et a fortiori pour la France dont le PSN est à revoir de fond en comble.
Il est choquant de voir que rien n’est fait pour réorienter la PAC alors que parallèlement, beaucoup de gesticulations tentent de faire croire qu’un outil inopérant, voire dangereux, tel que le Carbon Farming pourrait sauver la donne en matière de climat.
Signataires
Le Réseau Action Climat
la Confédération Paysanne
le CCFD-Terre Solidaire
Greenpeace France
France Nature Environnement
Les Amis de la Terre
Ingénieurs sans frontières – Agrista
Alofa Tuvalu
Terre & Humanisme
Union Nationale de l’Apiculture Française
Syndicat national d’apiculture
le MIRAMAP